Le voyage imaginaire d’Hugo Pratt

Exit « Les Masques de Jade », exposition prévue à la Pinacothèque de Paris, finalement annulée et remplacée par « Le voyage imaginaire d’Hugo Pratt », présentée jusqu’au 21 août.

L’exposition retrace la biographie du vénitien Hugo Pratt à travers une centaine d’aquarelles comme issues de carnets de voyages réels et de rêves éveillés à la découverte d’îles imaginaires (où es-tu merveilleuse Escondida?) et de peuples oubliés. A la vue de ces dessins aux couleurs chaudes terre de sienne ou diluées dans l’eau salée, mon imagination s’envole et s’égare vers ces lointains rivages et je pense à « Cargo Culte » dernier acte de Histoire de Melody Nelson (Gainsbourg): « Où es-tu Melody… Au hasard du courant as-tu déjà touché/Ces lumineux coraux des côtes guinéennes/Où s’agitent en vain ces sorciers indigènes/Qui espèrent encore en des avions brisés ». Point de fille aux cheveux rouges ici mais il y a une fille farouche aussi, Pandora, celle que Corto Maltese rencontre dans La Ballade de la mer salée et qu’il appelera « Bijou romantique ».

C’est si étonnant de découvrir que celui qui pour moi ne dessinait qu’en noir sait si bien manier les couleurs,

notamment le rouge. Et puis, une aquarelle très belle et très troublante car si différente des autres, à part, retient mon attention: une femme brune, visage de profil, seins nus, et cheveux au vent. En arrière plan, l’azur du ciel coule dans sa chevelure sombre et teinte sa peau d’un étrange bleu: elle me fait penser à Jill, La femme piège aux cheveux et larmes bleus d’Enki Bilal. C’est comme si Hugo Pratt avait peint Jill à sa façon.

Puis, je descends un escalier dans la semi-pénombre pour atteindre une petite salle. L’envie de voyage me tanne de plus en plus et la faim me tenaille: je dégaine une petite compote à boire de ma poche. Il me semble qu’une douce voix chuchote dans mon oreille pour me dire qu’on n’a pas le droit de manger ici. Corto, Hugo? Face à moi, un grand dessin de l’énigmatique Corto Maltese qui me sourit: je rougis. Je range ma compote. Je me retrouve au milieu d’une salle à peine éclairée: tout autour de moi est affichée l’intégralité des planches en version originale qui constituent l’album de La Ballade de la mer salée, le premier où le personnage de Corto Maltese entre en scène. Le voyage immobile commence. Je peux entendre le chant des albatros onduler dans le vent iodé: « vastes oiseaux des mers/Qui suivent, indolents compagnons de voyage/Le navire glissant sur les gouffres amers (Baudelaire, « L’Albatros », Les Fleurs du mal). Corto Maltese allume une cigarette « sous le soleil exactement, juste en-dessous ». Des perles d’eau salée roulent sur les joues de Pandora. Escondida, éternelle Atlandide, cachée dans l’archipel imaginaire d’Hugo Pratt, apparaît enfin devant moi.

« Le voyage imaginaire d’Hugo Pratt », à la Pinacothèque de Paris, 8e, du 17 mars au 21 août 2011.
Plus d’infos ici: http://www.pinacotheque.com/index.php?id=582

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