Idem – « Good side of the rain »: sous la thermocline

C’est un « Privilege class » de pouvoir écouter plus d’un mois avant sa sortie le prochain album d’Idem, Good side of the rain (sortie le 7 novembre chez Yotanka) qui est pour moi à ce jour, le plus beau de leur discographie. Pour entrer dans cet album, il faut accepter de faire cette plongée vénéneuse sous la thermocline d’un dub hybride d’une noirceur lumineuse.  Avec Good side of the rain, Idem nous entraîne toujours plus loin dans les sombres plaines abyssales de leur nouveau projet électro-organique. Post-traumatique.

« Experiencing the Depression »? L’anticyclone fugace s’éloigne et laisse place à une dépression atmosphérique insistante avec humidité dans l’air persistante. « Privilege class », morceau instrumental d’ouverture de l’album, fait le pont avec The Sixth aspiration museum overview. Il sonne comme la réverbération en négatif, le verso du recto de « Who or what? » du précédent album, avec cette troublante rythmique de plus en plus rapide, ce patchwork humide de boucles serpentines qui vous enveloppent, puis vous enserrent toujours plus fort et qui accélèrent peu à peu leur rotation hypnotique traversant tout votre corps. La musique d’Idem déclenche toujours en moi cette onde sismique si caractéristique qui secoue mes émotions une à une me laissant en plein émoi dans la confusion effervescente des sens…

Les premières notes dysphoriques de « Locked in syndrom », morceau hydrophone, retentissent comme un sonar anxiogène d’où s’élève progressivement la voix si grave et animale d’Isabelle Ortoli désormais présente sur tout l’album. Tantôt voluptueusement lasse et fragile sur le magnifique et mélancolique « Good side of the Rain » à écouter à la tombée de la nuit sous la pluie, morceau éponyme de l’album, tantôt rageuse en duo avec Ben Sharpa sur « Work in progress »…

Et puis il y a surtout ces cinq perles de pluie de l’album qui se suivent et qui me touchent. En plein dans mon coeur brûlant dans un monde éternellement en hiver. « Market return » tout d’abord. Le visage renversé en arrière, les yeux humides tournés vers le ciel orageux: j’attends qu’il se mette enfin à pleuvoir, « alone by rainy afternoon » … Car la pluie lave, un court instant seulement, la peine d’un coeur qui saigne. Comme l’artwork de la pochette: des flèches rouges qui tombent au coeur de la pluie. Ces mots qui sonnent de la même manière en anglais: Rain, Pain. A 2’11 min exactement de « Market Return »: les larmes coulent sur mes joues chaque fois que j’entends la voix d’Isabelle qui monte en puissance sur ce refrain absolument entêtant. Ce morceau est tout simplement le plus beau de l’album, d’une intensité émotionnelle bluffante. Et il n’y a rien d’autre à faire… que se laisser faire. Se laisser aller et descendre encore sous les couches sous-jacentes saturées du dub nerveux d’Idem qui brasse et superpose les courants froids et chauds du trip-hop, de l’électro et du rock indus.

Des flots ondulants de pluie saline roulent sur ma peau… plus forts quand monte encore en crescendo le superbe refrain magnétique de « Wings of Joy » qui injecte de l’adrénaline pure directement en intra-veineuse. Des torrents de spleen électrique se déversent des guitares grisantes qui mettent le corps en transe. Et la voix lancinante d’Isabelle: « Come on, come on » . La forteresse n’est plus là. Et je sais que mon petit coeur n’est pas étanche et ploie sous la pression des émotions. Entraînée par les courants sous-marins, je descends toujours plus profond pour effleurer « Missed it ». Ce morceau mutant évolue du calme abyssal à la montée houleuse de lames de fond en vagues à l’âme éperdue. « And he said you missed it« . Trop tard. Le morceau s’achève sur ces mots, comme une peine incommensurable. Le rythme cardiaque ralentit, 40 bpm. Et maintenant, que reste-t-il?  « A dust in peace » et toujours cet art de faire monter la pression de plus en plus fort: 1086 bars au compteur.

30 bpm. La bradycardie est totale sur le somptueux épilogue « The gipsy trail » dernier morceau de l’album qu’il faut absolument écouter au casque dans le noir.  On est si loin dans la profondeur des eaux sombres que l’on ressent le manque d’oxygène. La température chute brutalement. 20 bpm. La voix d’Isabelle se pose sur des accords sinueux qui engourdissent le corps jusqu’aux derniers sons ataxiques qui referment l’album…15 bpm…  A 4’25min retentit un étrange bourdonnement dans mes oreilles… 10 bpm… Je n’entends plus mon coeur, je ne sens plus la douleur… Je touche les abysses… Loin, si loin… sous la thermocline.

Posté par Miss Nelson le 02/10/2011.

Ajout du 01-11-2011: l’album est en pré-écoute du 31 octobre au 6 novembre sur Mowno: http://www.mowno.com/non-classe/avant-premiere-exclusive-mowno-ecoutez-le-nouvel-album-didem-du-31-oct-au-6-nov/ 

Good side of the rain: sortie le 7 novembre 2011, en précommande ici: http://www.idem-kzfp.com/goodsideoftherain/preorder/
En concert le 22 novembre 2011 à Paris, Le Divan du Monde, avec Picore et Aucan
Lire le billet « Le retour d’Idem… »
Le site officiel d’Idem 

Le retour d’Idem : nouvel album et nouvelle tournée… vivement l’automne sous la pluie

Il y a trois ans exactement, en plein été, je débarquais à Zagreb, ville de l’Est grise triste et pas belle du tout, point de départ d’une traversée de la Croatie qui finissait en Italie à Venise. On m’avait dit avant de partir: « va dans les criques où tu peux faire topless sous un soleil brûlant ». Mais bien sûr… tout à fait moi ça.

Heureusement, dès le premier soir à mon arrivée en Croatie, je marchais en grelottant dans la grisaille pluvieuse de Zagreb à la recherche du KSET où jouait ce soir-là un groupe français d’électro dub dont Télérama avait fait plusieurs fois l’éloge dans ses colonnes: Idem. C’est comme ça que je me suis retrouvée dans une zone bizarre très à l’écart du centre ville au KSET, intriguée d’être là en vacances au même moment qu’eux au travail. Je n’avais jamais écouté leur musique auparavant ni vu leur fameuse boule blanche sur scène. Idem aime transformer la prestation scénique en expérience visuelle et sonore (vidéos, jeux d’ombres, photos noir & blanc rappelant l’imagerie de Bunuel…) aux frontières du surréalisme. Leur dub est parfois planant souvent très noisy. Depuis ce jour, Idem séjourne régulièrement dans mon iPod.

Idem revient donc le 7 novembre avec leur album Good side of the rain, titre qui me fait de l’oeil humide, sous le label Yotanka. On peut d’ores et déjà écouter un premier extrait en streaming « Locked in syndrom » sur leur site officiel ici qui annonce un album dans la continuité du précédent The sixth aspiration museum overview (en écoute ici).

Pour Idem, il n’y a pas d’album sans nouvelle tournée et sans nouvelle création visuelle qui l’accompagnent: son studio, design très soigné des pochettes, prestation live et jeux visuels sont les composantes essentielles des oeuvres d’Idem (c’est en cela qu’ils sont cousins d’Ez3kiel bien que leur dub délivre un son qui n’a rien à voir avec Idem, Ez3kiel fonctionne sur ce même principe artistique: il faut regarder l’oeuvre pour mieux l’entendre et en percevoir la signification). Il faut les voir sur scène pour apprécier pleinement l’album studio ensuite. Leur tournée a déjà commencé en mai dans les Balkans comme d’habitude dont le KSET. Mais j’attendrai cette fois-ci qu’ils viennent jusqu’à chez moi. Ils joueront à Paris au Divan du Monde le 22 novembre avec Aucan (dub italien) en première partie. Alors, vivement l’automne à Paris sous la pluie…
En attendant novembre, voici le teaser qui présente la nouvelle création pour patienter:

Posté par Miss Nelson

Lire la chronique de « Good side of the rain »
En concert le 22 novembre au Divan du Monde, Paris
Plus d’infos et dates de la tournée sur le site officiel d’Idem: http://www.idem-kzfp.com/goodsideoftherain/
Site du label Yotanka: http://www.yotanka.net/
Photos de Nelson du concert au KSET à Zagreb en 2008: http://web.me.com/miss.nelson/Grabuge/idemzagreb.html

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